Cet article fait suite à l'article N°20160101 du 16 janvier 2016 - États-Unis : le remodelage du monde selon de nouveaux concepts politiques.
Le Moyen-Orient est l'un des chantiers les plus importants de la politique globale des États-Unis ; celle-ci s'inscrit dans une stratégie visant à conserver leur rang de première puissance mondiale. Les deux piliers de cette stratégie sont la maîtrise des sources d'hydrocarbures – plus généralement la maîtrise des sources mondiales d'énergie, ce qui englobe l'uranium - et la sécurité d'Israël.
En contrôlant les pays du Moyen-Orient, où se trouvent les deux tiers des réserves mondiales de pétrole et de gaz, les États-Unis tiennent sous leur dépendance leur principal adversaire stratégique : la Chine. L'alliance avec l'Arabie Saoudite nouée en 1945 leur permet de contrôler un quart des réserves mondiales. La conquête de l'Irak et l'alliance avec l’Iran permettraient d’augmenter notablement cette domination. La domination sur la Syrie et l'Afghanistan, l'alliance avec la Turquie, donnent la maîtrise des réseaux de tuyaux nécessaires au transport des hydrocarbures vers tous les pays consommateurs.
L'autre déterminant de la politique américaine au Moyen-Orient – la nécessité d'y posséder un allié infaillible, mais dans les limites touchant sa politique pétrolière – explique que l’Amérique est la garantie d'Israël depuis la Guerre de Corée en 1950 face à l'URSS. La sécurité d'Israël passait par l'élimination en 2003 de Saddam Hussein, soutien de l'OLP et des groupes palestiniens radicaux, et par celle de Kadhafi par leur allié le président français Nicolas Sarkozy.
Aujourd'hui la question de l'alliance avec l'Iran se pose, mais selon la doctrine stratégique israélienne, Israël doit rester la seule puissance nucléaire de la zone. La remise en cause de cette supériorité stratégique aurait un effet négatif sur l'immigration juive vers la Terre Promise.
Rêvant de reconstituer et d'agrandir l'alliance du Pacte de Bagdad signé en 1955 entre l'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran et le Royaume Uni, les néo-conservateurs se sont donnés pour objectif de constituer un « Grand Moyen-Orient » englobant sous leur domination non seulement ces quatre puissances islamiques, mais aussi tous les pays musulmans du Caucase et de l'Afrique subsaharienne, de la Mauritanie à la frontière occidentale de l'Inde, du Yémen à la frontière sud du Turkménistan, du Soudan à l'Algérie. Selon ce concept, la mer Rouge ne serait qu'une mer intérieure.
Pour atteindre un tel objectif, les néo-conservateurs ont décidé au début des années 1990 de mettre en œuvre dans les pays islamiques ce qu'on appelle une « stratégie du chaos » avec le néo-conservatisme américain pour fondement doctrinal. Les ''révolutions du printemps arabe'' ont été l'une des manifestations de la réalité de cette stratégie ; on retiendra à titre d’exemple deux moyens mis en œuvre à cet effet : la manipulation des médias de communication modernes et l'implication clandestine directe des représentants diplomatiques américains dans les pays.
L'utilisation généralisée d’outils de communication tels que l'internet, la publicité, le téléphone portable… permet une diffusion rapide des informations et des mots d'ordre pour les manifestants. Des fournisseurs américains de communications, tels que Google, Facebook, Twitter etc. ont collaboré pour mettre au point un système permettant d'envoyer des messages sur les blogs par téléphone, ce qui a permis de contourner les blocages de l'internet, quand ils ont eu lieu.
Les États-Unis se sont dotés de logiciels permettant de créer de multiples fausses identités numériques au sein de réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, capables de répondre automatiquement à n'importe quel message et pouvant par conséquent influencer de façon automatique les discussions sur l'internet. En particulier, l'US Air Force a pu mettre au point un tel logiciel via les sociétés Booz Allen Hamilton et Ntrepid.
Frank George Wisner II, fils de Frank Wisner (1909-1965) le fondateur de la CIA et des réseaux Gladio, a été dépêché en Égypte en 2011 pour doper le travail jugé ''insuffisant'' de l'ambassadeur US en place au Caire. Il en est résulté par exemple un petit manuel de l'émeutier, en langues arabe et anglaise, diffusant conseils et slogans pour faire chuter le régime Moubarak, ainsi que les techniques de prise de pouvoir : ''How to Protest Intelligently''.
Plus de 5000 militants activistes pro-américains ont terminé leur formation dans un pays du Proche-Orient, quelques semaines avant le déclenchement des manifestations en Égypte - pour un budget de 50 millions de dollars en deux ans selon les déclarations de Michaël Posner, sous-secrétaire d'État américain aux droits de l'homme.
Mais cette stratégie du chaos n'est pas acceptée par l'ensemble de la population américaine.
Wesley Clark, homme politique et ancien Général des Forces armées des États-Unis a déclaré sur CNN : « L'État islamique a démarré grâce au financement de nos amis et de nos alliés … », et que la déstabilisation du Moyen Orient avait été planifiée depuis 1991. Les amis et les alliés sont pour lui notamment le Qatar, la Turquie et Israël. Leurs soutiens notamment logistiques de l’EIIL (DAESH) passent par des filières (en particulier pour les trafics d'armes, êtres humains et de pétrole) situées sur le territoire turc.
Depuis 2001, le Général Clark est le porte-parole d'un groupe d'officiers supérieurs opposés à l'influence israélienne sur la politique extérieure des États-Unis, à ses développements impérialistes agressifs et au remodelage du « Moyen-Orient élargi ». Il s'était notamment opposé au déploiement de troupes en Irak, et aux guerres contre la Libye et contre la Syrie.