Cet article fait suite à l'article N°20180802 du 05 août 2018 - La face cachée de la Révolution russe d'Octobre 1917.
L’Histoire de l’Allemagne varie selon les limites géographiques dans lesquelles on situe le monde germanique, c'est-à-dire les populations de langue et culture allemandes. L’Europe a été bouleversée par la Révolution française de 1789, puis par l’épopée de Napoléon Bonaparte et, suite à la défaite définitive de ce dernier en juin 1815, c’est le Congrès de Vienne (1814-1815) qui est chargé de définir un nouvel ordre pacifique et les nouvelles frontières en Europe. Ce Congrès, réunissant les pays vainqueurs et d’autres tels que France, Portugal, Espagne, Suède, Prusse … traite aussi d’autres sujets tels que la circulation navale et la traite négrière.
La Confédération Germanique regroupant 39 Etats est formée en 1815 et durera jusqu’en 1866 : les Etats allemands sont placés sous l'autorité honorifique de la Maison des Habsbourg. De ce fait elle ne peut fonctionner que si la Prusse et l'Autriche s'entendent (Note 1).
Les événements de 1848 survenus en France sont suivis par des révolutions romantiques en Allemagne : c'est le ''Printemps des Peuples allemands'' ; en mars 1849 une assemblée de dirigeants allemands réunie à Francfort transforme cette Confédération – sans l'accord de l'Autriche - en un Etat fédéral ayant un empereur à sa tête, mais échoue à désigner cet empereur.
Le conflit entre la Prusse et l’Autriche, dont l’enjeu est la domination de la future Allemagne, aboutit à la tentative de l’Union d’Erfurt (1850) excluant l’Autriche. Cette tentative a échoué parce que les Etats allemands n’étaient pas prêts à reconnaître l’hégémonie prussienne.
De facto, c'est la Prusse qui domine. Guillaume 1er, roi de Prusse de 1861 à 1888, nomme en 1862 Otto von Bismarck (1815-1898, portrait gauche sur l'image d'introduction) au poste de ministre-président de la Prusse, et également ministre des Affaires étrangères. Bismarck acquiert de ce fait un pouvoir quasi-absolu et la confiance totale du roi. Il restera au pouvoir jusqu’en 1890, jusqu’à son limogeage par l’empereur Guillaume II.
Napoléon 1er avait mené une politique visant à l’assimilation des Juifs (réunion du Grand Sanhédrin 1806-1807, Décret de Bayonne 1808) ; cette politique n’a pas eu de résultats satisfaisants.
Bismarck, au contraire, est conscient de leur importance (25 000 Juifs en Alsace-Lorraine, 100 000 en Prusse, 500 000 dans l’Empire autrichien, 1 000 000 dans l’Empire russe, selon l’historien François Delpech). Il fait promulguer en 1869 une ''loi sur l'égalité des confessions'' qui s'applique dans la Confédération allemande, puis dans l'Empire allemand en 1871. Dès 1870 les Juifs, devenus des citoyens allemands à part entière, participent à la guerre franco-allemande avec enthousiasme. En témoignent par exemple des événements comme la célébration du Yom Kippour aux portes de Metz, illustrée par la création d'un foulard orné d'images rappelant les combats pour la libération de l'Alsace-Lorraine (voir ci-dessous).
en 1870, durant la guerre franco-allemande.
De 1864 jusqu'à sa mort, Bismarck a pour conseiller personnel Adolphe Lothar Bucher (journaliste et homme politique de gauche, originaire de Poméranie), ce dernier étant lié avec, puis pensionné par Ferdinand Lassalle (écrivain, théoricien socialiste et homme politique prussien, mort dans un duel en 1864 à Salève (Savoie) et enterré dans le cimetière juif de sa ville natale de Wroclaw – Pologne). Bucher a participé à la rédaction de la Constitution de la Confédération Germanique ; il est également l'auteur de la ''dépêche d'Ems'' – ce télégramme inclus dans un montage de désinformation diplomatique, qui est le prétexte ultime à la guerre franco-allemande de 1870.
Ludwig Bamberger (portrait droit sur l'image d'introduction), banquier d'origine juive né à Mayence (1823-1899), journaliste révolutionnaire de 1848, élu au parlement allemand jusqu'en 1890, fondateur de la Banque de Paris et des Pays-Bas en 1872, biographe en langue française de Bismarck, est également un soutien important de ce dernier jusqu'en 1878 où il s'oppose à lui sur les questions du protectionnisme et de colonialisme.
Bismarck est à l'origine de la guerre austro prussienne, où l'Autriche est vaincue en 1866 à Sadowa. A la suite du Traité de Prague (1866) est créée en 1867 - à l’initiative de Bismarck - la Confédération de l’Allemagne du Nord, fédérant les Etats allemands situés au nord de la ligne du Main, dont. Bismarck devient le Chancelier.
Bismarck est également à l’origine de la guerre franco prussienne de 1870, qui s’est achevée par une défaite française catastrophique, par le traité de paix préliminaire de Versailles (26/02/1871), puis le traité de Francfort (10/05/1871). Influencé par la ''dépêche d’Ems'', le gouvernement français poussé par l’opinion publique avait déclaré la guerre – malgré l’impréparation et l’infériorité matérielle et numérique de l’Armée française - à une coalition formée par la Confédération de l’Allemagne du Nord et les Etats allemands du sud (Bavière, Wurtemberg, duchés de Bade et de Hesse Darmstadt).
Préalablement aux traités de paix franco allemands de 1871, l’Empire allemand (ou : Reich allemand) est proclamé dans la galerie des Glaces du château de Versailles (18/01/1871) à la faveur de la défaite française. Il inclut tous les Etats allemands du nord et du sud ayant participé à la guerre franco prussienne. Le roi de Prusse Guillaume 1er est proclamé Empereur (ou : Kaiser).
L'unité allemande, ainsi concrétisée par cette proclamation de l'Empire allemand, est un état fédéral unissant 25 états, dirigé par Guillaume 1er, roi de Prusse et premier empereur allemand.
Nouvelle puissance au cœur de l'Europe, l'Empire devient désormais le principal facteur dans l'augmentation des tensions entre les Etats. L'équilibre européen est assuré par un système d'alliances multilatérales, comportant des clauses secrètes et d'assistance mutuelle en cas d'agressions par des Etats ne faisant pas partie des accords.
Dès les années 1850, puis sous l’impulsion de Bismarck, la Confédération germanique s'industrialise : mise en place d'une union douanière entre les états allemands, construction d'un réseau de chemins de fer et d'installations portuaires ... Le développement est basé sur la production du charbon de la Ruhr, de l'acier (conglomérats développés resp. par les Allemands Alfred Krupp, et August Thyssen), et de produits chimiques (fondation de BASF en 1865). Sont particulièrement valorisés les domaines de la mécanique, de l'armement terrestre et maritime, de la production d'électricité.
Des réseaux de banques apparaissent de part et d'autre de l'Atlantique, fondés majoritairement par des Juifs allemands dont parmi les plus connus sont : Oppenheim, Bleichröder, Wertheim, Heine, Mendelssohn, Arnhold, Von Hirsch, Fürstenberg, Rothschild, Warburg etc.
Entre 1890 et 1914, la population allemande passe de 49 à 66 millions d'habitants. L'Allemagne exporte plus d'acier que la France, la Russie et la Grande-Bretagne réunies et est le deuxième pays producteur de charbon, derrière la Grande-Bretagne. La force de l'industrie allemande a permis d'accroître les capacités militaires du pays, qui possède, en outre, une armée bien entraînée et équipée. L'Allemagne a la deuxième flotte mondiale, derrière la Grande-Bretagne.
La conflagration mondiale
L'Empereur Guillaume II mène dès 1890 une nouvelle politique mondiale justifiée par la dépendance de l'industrie allemande vis-à-vis des importations de matières premières. Cette politique agressive, soutenue par la presse et les nationalistes allemands, vise à se doter d'un Empire colonial, à prendre possession de territoires situés sur d'autres continents et dotés de ces ressources.
Les tensions extrêmes entre les pays balkaniques, les Empires turc et austro-hongrois ont cristallisé les menaces latentes en un conflit mondial généralisé, déclenché par cette provocation qu'a été l'assassinat de l'archiduc d'Autriche François-Ferdinand à Sarajevo en 1914, événement ayant permis le fonctionnement de la cascade des diverses alliances préexistantes que l'on connaît.
La 1ère Guerre Mondiale oppose la ''Triple Entente'' (principalement : France, Angleterre, Russie Impériale et leurs colonies) et les ''Empires Centraux'' (Allemagne, Autriche-Hongrie et leurs colonies, Empire Ottoman, royaume de Bulgarie).
Les Etats-Unis se considèrent officiellement concernés à partir de janvier 1917 seulement, dès que l'Allemagne commence à pratiquer la guerre sous-marine, qui consistait à couler tout navire neutre commerçant avec un pays de la Triple Entente – France, Angleterre, Russie. La révélation de la teneur du ''télégramme Zimmermann'' - adressé par le ministre allemand des affaires étrangères à son ambassadeur à Mexico, lui demandant de négocier une alliance avec le Mexique contre les Etats-Unis, en proposant un large soutien financier par l'Empire pour la reconquête par le Mexique des territoires perdus en 1848 : Texas, Nouveau-Mexique, Arizona – a également été un élément déclencheur majeur.
Aux Etats-Unis il y a une forte opposition à cette entrée en guerre en faveur de la Russie de la part d'une partie de la classe politique parce que les populations immigrées d'origine allemande et polonaise - naturellement - ne le souhaitent pas, et que les populations juives immigrées reprochent à l'Empire russe d'avoir organisé des pogroms contre les Juifs.
L'armée américaine est engagée dans le conflit aux cotés de la Triple Entente sur le front français en juin 1917.
A l'ouest, la guerre prend fin le 11 novembre 1918 par l'armistice signé à Rethondes, après une vague révolutionnaire en Allemagne et l'abdication de Guillaume II le 9 novembre. L’Empire allemand n’existe plus.
Mais auparavant, la révolution avait commencé en Russie en février 1917. Parmi les causes de ces événements : les défaites successives de la Russie sur le front de l'est, les insuffisances de la production de l'armement, les mutineries au sein de l'armée, la famine etc.
Lénine, réfugié en Suisse depuis plus de dix ans, quitte Genève le 28 mars 1917, traverse l’Allemagne dans un wagon plombé protégé par les services secrets allemands, et arrive en Russie en avril 1917. Le Tsar Nicolas II abdique en mars 1917, les gouvernements provisoires se succèdent, Lénine et Trotsky prennent le pouvoir en octobre 1917 au sein d'un ''Conseil des Commissaires du Peuple'' ne comportant que des bolchéviques.
L'information selon laquelle l'Allemagne a accordé à Lénine un soutien logistique et matériel pour prendre le pouvoir en Russie a été longtemps tenue dans le plus grand secret.
Après les péripéties que l'on connaît, une paix séparée est conclue à Brest-Litovsk en mars 1918 entre l'Allemagne et la nouvelle république russe bolchévique. Pour empêcher une victoire totale de l'Allemagne à l'est, les Japonais et les Américains interviennent à Vladivostok en 1918, les Anglais à Mourmansk et Arkhangelsk, les Turcs dans le Caucase, où des républiques font sécession (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan).
Note (1) :
La succession des dirigeants des différentes Confédérations allemandes est la suivante :
- Napoléon 1er – règne de 1806 à 1813 sur la Confédération du Rhin, une alliance militaire de 16 Etats qu'il a créée et qui dure jusqu'à la Campagne de Russie (1813)
- François 1er, empereur d'Autriche – préside de 1815 à 1835 à la Confédération Germanique qui rassemble 39 états en 1815
- Ferdinand 1er, empereur d'Autriche – préside de 1835 à 1848 à la Confédération Germanique
- Frédéric-Guillaume IV, roi de Prusse – président choisi de 1849 à 1850 de l'Union d'Erfurt excluant l'Autriche, refuse de devenir empereur d'Allemagne.
- François-Joseph 1er, empereur d'Autriche – préside de 1850 à 1866 à la Confédération Germanique
- Guillaume 1er, roi de Prusse – préside de 1867 à 1871 à la Confédération de l'Allemagne du Nord. - choisi comme empereur à la tête de l'Empire Allemand de 1871 à 1888
- Guillaume II, roi de Prusse – Empereur Allemand de 1888 à 1918